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Bill Gates rallie une coalition de milliardaires pour développer les énergies propres

Le cofondateur de Microsoft a annoncé un grand projet d'investissement dans les «clean tech» financé par les grands noms de l'Internet. Mark Zuckerberg (Facebook), Jeff Bezos (Amazon) ou encore Xavier Niel (Free) sont de la partie.
par Gabriel Siméon
publié le 30 novembre 2015 à 19h46

Une cinquantaine de milliardaires et de pays pollueurs main dans la main pour soutenir les énergies propres : voilà l'autre photo de famille offerte lundi à la COP 21. En fin d'après-midi, François Hollande, Barack Obama et Bill Gates, fondateur de Microsoft et première fortune mondiale d'après Forbes, entre autres, ont fait conférence commune pour dévoiler l'alliance de deux initiatives visant à «accélérer la révolution des énergies propres», selon un communiqué.

La première de ces initiatives, «Mission innovation», regroupe 19 Etats dont la France, les Etats-Unis, la Chine et l'Inde. Ceux-ci se sont engagés à doubler d'ici cinq ans (avant pour certains) leur budget consacré à la recherche dans le secteur des énergies non polluantes. «Accélérer la propagation de l'innovation dans le domaine des énergies propres est un élément indispensable d'une réponse efficace et à long terme au défi climatique que nous partageons», souligne le communiqué commun publié lundi sur le site de la Mission innovation. La France mobilisera pour sa part une partie de son programme d'investissements d'avenir pour soutenir tant les énergies renouvelables et leur stockage, que les technologies de captage de CO2.

Le gotha de l’internet

Baptisée «Breakthrough Energy Coalition» (coalition pour l'énergie de rupture), l'autre initiative, la plus spectaculaire, est donc pilotée par Bill Gates qui avait déjà annoncé vouloir investir 1 à 2 milliards de dollars dans les énergies propres du futur. Son objectif ? Mobiliser les plus grandes fortunes de la planète pour lever des montagnes de billets verts et les investir dans les «Clean Tech». L'ancien patron de Microsoft, qui s'est reconverti dans l'aide au développement via sa fondation Bill et Melinda Gates, a d'ores et déjà convaincu plusieurs patrons de multinationales et le gotha des nouvelles fortunes de l'Internet de se rallier à son projet: Mark Zuckerberg (Facebook), Jeff Bezos (Amazon), Richard Branson (Virgin), Jack Ma (Alibaba), Ratan Tata (Tata Sons) et même le Français Xavier Niel (Illiad-Free) figurent notamment sur la liste de ces investisseurs VIP parmi une vingtaine d'autres noms.

Bill Gates présente son projet sur son blog: «La demande mondiale en énergie est un gros problème, parce que la plupart de cette énergie vient aujourd'hui des hydrocarbures qui émettent des gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Nous avons besoin d'aller vers des sources d'énergies accessibles et décarbonées», écrit-il. Comme l'a lancé François Hollande au micro lundi, l'objectif de la coalition énergétique montée par le milliardaire américain est d'«aller vite pour passer du prototype à la production et à la diffusion la plus large» des projets vertueux dans le domaine de l'énergie.

Energies de rupture

Mais concrètement ? Bill Gates a déjà quelques idées, recensées dans un document mis en ligne sur son blog. Parmi ces énergies de rupture dans lesquelles le milliardaire aimerait investir figure notamment la «technologie chimique solaire» consistant à imiter la photosynthèse des plantes en exploitant le rayonnement solaire pour fabriquer de l'hydrogène à partir d'eau. Mais aussi les «piles à flux», une technologie de batterie pouvant potentiellement «durer des dizaines et des dizaines d'années», contrairement à celle dominant actuellement le marché, la lithium-ion. Alléchant. Pourtant, reconnaît le philanthrope américain, «il y a peu de chance que l'une d'entre elles soit prête à être mise en œuvre avant au moins dix ans, si tant est qu'elle le soit un jour. Mais ces idées démontrent comment des chercheurs astucieux, aux États-Unis et dans le monde entier, mettent au point des méthodes qui pourraient résoudre le problème énergétique».

Bill Gates a aussi enregistré une courte vidéo (en anglais) pour vendre son projet:

Bonnes intentions et vrais profits

Les bonnes intentions suffiront-elles ? Deux éléments permettent d'en douter. Le premier est que le montant total des investissements n'était pas connu lundi, même si le chiffre de 20 milliards de dollars par an d'ici 2020 a circulé. Et quand on sait que la Chine et l'Inde continuent d'investir massivement en parallèle dans des centrales à charbon, il y a fort à parier que ce ne seront pas ces investissements «propres»-là qui changeront la donne. Autre souci, les membres de la coalition ont déployé d'énormes efforts de syntaxe pour éviter soigneusement toute allusion aux énergies renouvelables ou vertes, préférant parler de «clean energy technologies». Et pour cause : la formule permet, notamment à la Chine, d'englober dans ses «efforts» ses investissements à la fois dans l'éolien, les barrages hydroélectriques et le nucléaire. Pratique. Tout est clairement posé ici.

Cette initiative, aussi peu ambitieuse sera-t-elle, garde néanmoins un gage de succès : l'appétit financier des milliardaires. «J'ai vu avec le numérique comment les investissements gouvernementaux ont permis au secteur privé de se développer», a lancé Bill Gates lundi. Un jour plus tôt, sur son blog, le milliardaire ne cachait pas le but premier de cette coalition : «Accélérer le progrès sur les énergies propres tout en réalisant des profits.» On s'en doutait.

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