Coqueluche

La "toux des 100 jours" est revenue

Maladie extrêmement contagieuse en pleine recrudescence, la coqueluche est aujourd’hui sous haute surveillance. Parallèlement, la recherche s’active pour développer de nouvelles stratégies vaccinales.

Dossier réalisé en collaboration avec Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm et directeur du Centre d’infection et d’immunité de Lille (unité 1019 Inserm/CNRS/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille Nord de France/CHRU de Lille)

Comprendre la coqueluche

« Une maladie injustement oubliée ». Voilà comment certains spécialistes de la coqueluche présentent cette infection respiratoire causée par la bactérie Bordetella pertussis. Car bien que le nombre de cas ait fortement baissé grâce à la vaccination généralisée des jeunes enfants, la coqueluche est toujours endémique, dans tous les pays. Deux chiffres pour s’en convaincre : on estime aujourd’hui à plus de 40 millions le nombre de cas annuels à travers le monde, et à 300 000 le nombre d’enfants qui en décèdent. Depuis 2010, la maladie affiche même une recrudescence inquiétante dans certains pays développés tels l’Australie, l’Angleterre, les Etats-Unis, la Hollande... ou bien encore la France. Baisse de la couverture vaccinale, vaccins actuels pas assez efficaces, mutations dans les souches circulantes, transmission asymptomatique... plusieurs hypothèses sont sur la table pour essayer d’expliquer cette recrudescence. 

« La toux des 100 jours »

La coqueluche démarre par une phase d’incubation qui peut s’étendre sur une à trois semaines. La première semaine, le malade ne présente absolument aucun symptôme. Puis survient un écoulement nasal qui peut durer une à deux semaines, généralement sans fièvre. Ensuite, ces premiers symptômes laissent place à une toux qui évolue rapidement en quintes fréquentes, prolongées, plus intenses la nuit et souvent suivies de vomissements, sans aucune fièvre : c’est la phase paroxystique. En fin de quinte, le malade reprend son souffle par une longue inspiration au son aigu : le fameux « chant du coq ».

Si elle est traitée très précocement, dès le début de la toux, la coqueluche se soigne très bien grâce aux antibiotiques de la famille des macrolides. En règle générale, ce traitement autorise un retour en collectivité sous trois à cinq jour. Mais sans traitement, les quintes peuvent s’aggraver et se prolonger plusieurs semaines. 

Enfin, la toux régresse lentement vers la guérison : c’est la phase de convalescence qui peut durer une à plusieurs semaines. Au total, c’est donc une maladie relativement longue. Voilà pourquoi les chinois l’ont baptisée « la toux des 100 jours » !

Une maladie très contagieuse sous surveillance

On estime qu’une personne atteinte de coqueluche contamine 15 à 17 personnes en moyenne, via les gouttelettes provenant de son nez et sa bouche. Cette contagiosité est à son maximum durant la première semaine de toux, puis elle diminue avec le temps : on la considère nulle au bout de trois à cinq jours d’antibiotiques... mais il faudra tout de même attendre trois semaines si le malade n’en a pas pris. La coqueluche se propage principalement à l’intérieur de la famille ou dans les collectivités : au bureau, dans les établissements scolaires, centres médico-sociaux... Dans tous les cas, une enquête est diligentée autour du malade. Objectif : dépister les contaminateurs et les cas secondaires. 

En France, la coqueluche est surveillée par Renacoq, un réseau de 44 services hospitaliers pédiatriques, en lien avec le Centre national de référence (CNR) de la coqueluche de l’Institut Pasteur et Santé publique France (InVS). Y sont enregistrés les cas de coqueluche survenant chez des moins de 17 ans, après un diagnostic validé par les méthodes officielles. Le CNR identifie les souches en cause pour suivre leurs éventuelles mutations. Par ailleurs, tous les cas groupés de coqueluche doivent être notifiés aux Agences régionales de santé. 

Un diagnostic en deux temps

Pour diagnostiquer une coqueluche, le médecin se fonde bien sûr d’abord sur les symptômes du malade. Il se renseigne aussi sur l’existence d’éventuels cas de coqueluche dans l’entourage du patient. Mais, en fonction du degré d’immunité déjà acquise, l’intensité des symptômes peut fortement varier d’un patient à l’autre. D’où l’importance de confirmer ce premier examen clinique par des examens biologiques capables de détecter la présence de B. pertussis dans les sécrétions nasales. De plus en plus, c’est le matériel génétique de la bactérie que l’on recherche via une technique d’amplification de l’ADN nommée PCR (Polymerase Chain Reaction). On peut aussi visualiser la bactérie elle-même, par la technique plus classique de mise en culture au laboratoire. Un peu moins fiable, la recherche d’anticorps spécifiques dans le sang (sérologie) peut compléter ces deux examens. 

La vaccination : clef de voute de la prévention

En France, les vaccins anti-coqueluche sont aujourd’hui composés de deux à cinq morceaux de la bactérie (antigènes), contre lesquels notre système immunitaire va s’entrainer à lutter en produisant des anticorps spécifiques. On administre ce type de vaccin aux bébés en trois doses intramusculaires – à deux, quatre et onze mois – en combinaison avec les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Mais au fil du temps, l’immunité conférée par ces vaccins dits acellulaires diminue. Voilà pourquoi trois rappels sont recommandés, avec une dose réduite d’antigènes, à 6 ans, entre 11 et 13 ans et à 25 ans. 

Dans d’autres pays, on propose toujours un vaccin cellulaire, composé du germe entier tué. Ce type de vaccin protège plus longtemps, mais il a été abandonné en France en raison de ses effets secondaires (fièvre, douleurs, érythème...). Bien que son efficacité soit de 90% au bout de trois injections, ses désagréments sont tels que nombre de personnes ne voulaient plus se faire vacciner... Moins cher que les vaccins acellulaires, il reste toutefois très utilisés dans les pays en développement. 

La coqueluche – interview – 4 min 58 – vidéo extraite de la série Ils vont avancer la recherche (Sup Biotech /Institut Pasteur – 2014) 

En complément de la vaccination, deux mesures permettent de réduire le risque de transmission de la maladie. Tout d’abord, l’isolement du malade pendant trois à cinq jours après le début du traitement antibiotique, ou durant toute la phase de contagion s’il n’est pas traité. Parallèlement, des antibiotiques peuvent aussi être prescrits aux personnes de l’entourage direct du coquelucheux qui n’ont été pas vaccinées, ou chez lesquelles la dernière injection du vaccin est trop lointaine pour les protéger : c’est l’antibiothérapie prophylactique.

Nourrissons : une population à risque !

Plus de 90% des décès par coqueluche surviennent chez les bébés de moins de six mois. Plus largement, la coqueluche reste en France la première cause de décès par infection bactérienne entre dix jours et deux mois de vie. Chez les nourrissons, la maladie peut en effet générer des complications mortelles : pneumonie, crises convulsives, encéphalite, détresse respiratoire, défaillance cardiaque... Chez les moins de trois mois, un diagnostic de coqueluche entraine une hospitalisation systématique 

L’enjeu numéro un est donc d’éviter la contamination de ces bébés. De 1996 à 2013, le réseau Renacoq a identifié en France 2 524 cas de coqueluche chez des nourrissons de moins de six mois. Le plus souvent, ils sont contaminés par leurs propres parents (63% de cas) ou leurs frères et sœurs (27% des cas). 

Les personnes âgées constituent aussi une population à risque : la coqueluche peut fortement les affaiblir et générer des surinfections : grippe, pneumocoque, Haemophilus... 


« Cocooner » les moins de six mois 

Pour protéger au maximum les nourrissons de moins de six mois, la France préconise depuis 2004 la stratégie du « cocooning ». Cette dernière consiste à s’assurer que l’entourage proche de ces bébés est à jour de ses vaccinations et, si ce n’est pas le cas, à procéder à un rappel. 

Très concrètement, la stratégie s’adresse tout d’abord aux adultes ayant un projet parental, donc avant même le début de la grossesse. Puis, durant une grossesse, le cocooning vise la fratrie, le conjoint et tous les adultes qui seront en contact étroit avec le futur nourrisson durant ses six premiers mois : nounou, baby-sitter, grands-parents... Un rappel est aussi recommandé pour la mère, juste après l’accouchement. 

Face au succès limité du cocooning, certains pays (USA, Belgique, Angleterre...) ont adopté une autre stratégie : un rappel vaccinal systématique pour toutes les femmes enceintes, afin de protéger le futur bébé. Des essais de vaccination des enfants dès leur naissance ont aussi été tentés, mais leur système immunitaire ne semble pas encore assez développé ; en outre, tout comme la vaccination de la femme enceinte, cela pourrait réduire l’efficacité des futurs vaccins que recevra l’enfant. Toutefois, une première vaccination à six semaines serait aujourd’hui envisagée par les autorités sanitaires. 


Les enjeux de la recherche

Un nouveau vaccin nasal testé sur l’homme

Pour combattre la recrudescence de coqueluche, les chercheurs tentent d’améliorer les vaccins actuels. Côté vaccins acellulaires, certaines équipes développent par exemple de nouvelles formulations, en jouant sur la nature des antigènes, sur les adjuvants, en incorporant des nanoparticules... Côté vaccins cellulaires, d’autres tentent de modifier le germe entier utilisé pour qu’il génère moins d’effets secondaires. A mi-chemin entre ces deux type de vaccins, certains scientifiques travaillent aussi sur la mise au point de vaccins mimant les vésicules pleines d’antigènes que B. pertussis relargue quand on la cultive... Mais toutes ces études n’en sont encore qu’au stade préclinique. 

Respirez, vous êtes vacciné ! – communiqué de presse vidéo – 2 min 29 – extrait de la série Histoires de recherche (2014)

Pour l’heure, seul un nouveau candidat vaccin en est au stade de l’essai sur l’homme. Il est développé par l’Inserm et l’Institut Pasteur de Lille, en partenariat avec la société de biotechnologie américaine ILIAD. Baptisé BPZE1, il est constitué de bactéries B. pertussis vivantes, mais génétiquement modifiées pour leur ôter toute toxicité. Autre particularité, il est administré en une seule dose, directement dans le nez. L’objectif est de mimer au plus près l’infection naturelle par B. pertussis. Celle-ci n’affecte en effet que les voies respiratoires et y déclenche une immunité spécifique. Les chercheurs espèrent que ce nouveau vaccin protégera non seulement contre le déclenchement des symptômes de la maladie, mais aussi contre l’infection des voies respiratoires et donc contre le risque de transmission. Plusieurs études récentes ont en effet montré que, malgré la couverture vaccinale actuelle avec les vaccins acellulaires, nombre de personnes sont infectées mais ne déclenchent pas la maladie. Elles ne sont pas « malades », mais elles peuvent transmettre la coqueluche. 

Dans le cadre d’un premier essai conduit sur 48 adultes, BPZE1 a été très bien toléré. Mieux encore : chez les 40% de volontaires chez lesquels les bactéries génétiquement atténuées sont parvenues à coloniser la cavité nasale, une production prolongée d’anticorps dirigés spécifiquement contre B. pertussis est observée. Fort de ce premier succès, les chercheurs ont lancé un deuxième essai sur 54 adultes en septembre 2015. Objectif principal : déterminer la dose optimale pour obtenir une colonisation nasale chez au moins 80% des volontaires vaccinés. Les résultats complets sont attendus pour février 2017. 

Outre les vaccins, la recherche s’attelle aussi à mieux comprendre les interactions entre le germe de la coqueluche et l’homme, et la variabilité génétique des différentes souches au fil du temps. Les scientifiques essayent aussi de développer des modèles animaux de la maladie reproduisant plus fidèlement ce qu’on observe chez l’homme (toux quinteuse, transmission d’un individu à l’autre, etc.). 

Pour aller plus loin