Travail du sol
Faut-il encore labourer ?

L’absence de résidus à la surface des parcelles accélère l’évaporation de l’eau et réchauffe le sol. (©Terre-net Média)
L’absence de résidus à la surface des parcelles accélère l’évaporation de l’eau et réchauffe le sol. (©Terre-net Média)

Faut-il encore labourer ?
L’absence de résidus à la surface des parcelles accélère l’évaporation de l’eau et réchauffe le sol. (©Terre-net Média)

Alors que la crise bat son plein, chacun d’entre vous tente de trouver des solutions pour réduire les coûts de production. Le labour est l’un des principaux postes de dépense. Mais, faire l’impasse sur cette étape de l’itinéraire cultural a des incidences agronomiques qu’il faut maîtriser. Structure, tassement, acidité et aération, faune et adventices présentes … autant de paramètres à ne pas négliger avant de décider ou non de remiser sa charrue.

Le labour, ça sert à quoi ?

Le labour consiste à travailler la couche arable d’un champ cultivé et pour cela, les agriculteurs utilisent le plus souvent une charrue. Celle-ci ouvre la terre à une certaine profondeur et la retourne pour ensuite l’ensemencer de nouveau. Le terme "labour" vient du latin "laborare" qui signifie "travailler". En général, la profondeur de travail n’excède pas 20 cm. Résultat : le sol est décompacté et aéré. Le labour mélange à la terre les résidus de récolte, les fumiers, la chaux ou les engrais minéraux, en y introduisant de l’oxygène. Attention cependant : en conditions humides, cette opération risque de compacter le sol sous la zone travaillée et de former une semelle de labour.

Autre avantage à retourner la terre, la minéralisation des éléments s’accélère et il y a moins de pertes d’azote par volatilisation. À court terme, la quantité d’azote disponible est supérieure. L’absence de résidus à la surface des parcelles accélère l’évaporation de l’eau et réchauffe le sol.

La levée des adventices est retardée

Ainsi, les plantes se développent plus rapidement au semis. Celui-ci est d’ailleurs facilité, le labour diminuant la force de pénétration du semoir. La charrue efface aussi les empreintes de pneumatiques et les ornières causées par les engins. Côté adventices, leur levée est retardée, ce qui limite la concurrence et favorise la croissance des plantes. Le retournement de la terre brise également le cycle de développement de certaines maladies fongiques. 

En revanche, là où ça fait mal, c’est côté faune du sol. Le nombre de vers dits "mangeurs de terre", les endogés, augmente au détriment des anéciques, dont une partie est détruite au passage de l’outil. Parmi les risques les plus importants, la présence d’une semelle de labour, sorte de "croûte" résultant de la compaction du sol sous la zone labourée. La matière organique tombe au fond de la raie, ce qui impacte la répartition de la faune du sol. Les individus anaérobies arrivent à la surface, où ils meurent asphyxiés et inversement, ceux qui sont aérobies se retrouvent enfouis et subissent le même sort.

Attention à la vie biologique du sol

D’autres problèmes, plus graves, peuvent survenir :

  • disparition de la couche d’humus superficielle,
  • érosion des sols (particulièrement s’ils sont fragiles) ou dessèchement,
  • baisse de la quantité de matière organique en surface (et la qualité),
  • enfouissement en profondeur des débris végétaux, amendements organiques, nématodes et micro-organismes décomposeurs. sont enfouis en profondeur.

Conséquences : les champignons aérobies meurent et les sols s’acidifient, les racines sont parasitées, les nitrates sont lessivés et polluent les nappes phréatiques. Sans parler des apports d’engrais conséquents, nécessaires pour pallier ce déficit.

Le labour enfouis les débris végétaux
Le labour enfouit les débris végétaux au fond de la raie. (©Terre-net Média)

À noter aussi, l’exposition des vers de terre aux produits chimiques. Moins actifs, ils ne remontent plus la nuit pour venir chercher la matière organique. En surface, le sol est moins aéré, voire asphyxié. Et avec la diminution de l’humus en surface, il perd son pouvoir de rétention d’eau. Actuellement, les sols s’érodent d’un millimètre par an (alors qu’il en faut 10 pour constituer cette épaisseur).

40 % de la SAU française étant encore labourée systématiquement !

En France, les superficies non labourées stagnent autour de 35 % (enquête Agreste). En effet, la suppression du labour s’avère plutôt occasionnelle : une à deux fois tous les six ans (entre 2006 et 2011) pour 46,8 % des surfaces, 40 % de la SAU française étant encore labourée systématiquement ! Bien évidemment, la rotation culturale et le type de sol jouent : la charrue est plus fréquemment abandonnée dans les sols argilo-limoneux (39 % ne sont plus labourés).

Le bassin de production est, lui aussi, significatif. Dans le Nord et l’Alsace, les parcelles de blé sont fréquemment labourées. Alors que dans le Sud-ouest, le non labour est plus répandu. En Bourgogne, Champagne et Lorraine, les rotations de cultures d’hiver (blé-colza-orge) contribuent également à l’essor des techniques culturales sans labour. Quant à arrêter totalement de labourer, difficile de prendre une décision, cette pratique présentant des atouts et des inconvénients.

Il faut donc raisonner selon ses convictions, sa maîtrise de l’agronomie et les particularités pédoclimatiques de ses parcelles, sans oublier que les techniques culturales simplifiées sont complexes.

Inscription à notre newsletter

Déja 34 réactions