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La Terre verdit grâce aux émissions de CO2

Le dioxyde de carbone rejeté par les activités humaines a accru la quantité de feuilles des arbres entre 1982 et 2009, selon un rapport couplant observations et modèles informatiques.

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Publié le 27 avril 2016 à 02h05, modifié le 28 avril 2016 à 18h05

Temps de Lecture 5 min.

Une forêt dans le sud de l'Angleterre en mai 2015.

Hausse des températures, élévation du niveau des mers, acidification des océans ou encore fonte des glaciers : la liste des maux associés à l’augmentation des niveaux de CO2 dans l’atmosphère ne cesse de s’allonger. Pourtant, il existe une autre conséquence, moins connue et plus positive – du moins à court terme –, du pic actuel de dioxyde de carbone : une Terre plus verte, c’est-à-dire arborant une végétation plus dense. C’est ce que démontre une étude publiée dans Nature Climate Change, lundi 25 avril, menée par une équipe de 32 scientifiques issus de 24 centres de recherche dans 8 pays du monde.

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié les données de trois satellites, qui ont mesuré la quantité de rayonnement solaire réfléchi par la végétation, jour après jour entre 1982 et 2009. Ils en ont déduit un indice foliaire pour chaque parcelle de la planète, compris comme la quantité de feuilles par mètre carré de sol.

Un continent vert

Les résultats sont inattendus : les capteurs montrent un verdissement (davantage de feuilles ou parfois d’arbres) de 25 % à 50 % des terres végétalisées du globe depuis une trentaine d’années, essentiellement dans les tropiques et à des latitudes élevées. A l’inverse, seulement 4 % des sols ont perdu en couverture foliaire – dans certaines régions de Mongolie, d’Argentine ou en Alaska. Cet accroissement de la végétation représente, si on la mettait à plat, l’équivalent d’un continent vert de deux fois la taille des Etats-Unis (18 millions de km2). Aujourd’hui, les plantes couvrent près d’un tiers (32 %) de la superficie totale de la planète, occupant environ 85 % de toutes les terres libres de glace.

Evolution du couvert foliaire entre 1982 et 2009 (en %).

Une densification de la végétation qui n’empêche toutefois pas la poursuite de la déforestation. Cette dernière, bien qu’ayant ralenti, a entraîné la destruction de 1,3 million de km2 de forêts en vingt-cinq ans selon l’ONU, soit l’équivalent de la superficie de l’Afrique du Sud. « Il est difficile de comparer les deux phénomènes en termes de superficie car la déforestation détruit de la forêt qui est généralement remplacée par des zones de culture, donc sans réel changement de surface végétalisée. En revanche, son effet sur le climat est négatif », explique Nicolas Viovy, l’un des auteurs de l’étude et chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE).

Effet fertilisant du CO2

Comment expliquer un tel « boom vert » à l’échelle du globe ? En faisant tourner dix modèles informatiques permettant de simuler le comportement de la végétation, les scientifiques ont déterminé et classé les facteurs jouant un rôle dans cette croissance : pour 9 %, il s’agit de l’augmentation de l’azote dans l’environnement (principalement sous l’effet de la combustion d’énergies fossiles et des engrais agricoles), pour 8 %, du changement climatique (le réchauffement des régions boréales et arctiques a, par exemple, entraîné des saisons de croissance des plantes plus longues) et pour 4 %, des changements d’occupation des sols. Mais le principal facteur (70 %) réside dans l’effet fertilisant du CO2.

« Les arbres ont besoin, pour leur croissance, d’eau, de nutriments et de CO2, qu’ils absorbent et stockent grâce au processus de la photosynthèse, rappelle Philippe Ciais, co-auteur de l’étude et chercheur au LSCE. Davantage de CO2 favorise le développement des arbres et des feuilles. » Dans un monde qui atteint des niveaux inégalés de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sous l’effet des activités humaines telles que la consommation d’énergies fossiles ou la déforestation, les plantes, les arbres et même les cultures croissent plus rapidement.

« C’est une relation que plusieurs études avaient déjà suggérée, mais c’est la première fois que nous pouvons la confirmer et la généraliser à l’échelle de la planète, ajoute le spécialiste des cycles du carbone. En effet, il est très difficile de passer de l’échelle d’une feuille à celle d’un écosystème global. Si l’on connaît le processus de base de la photosynthèse, de nombreuses questions restaient en suspens : toutes les feuilles répondent-elles de la même manière à la hausse du CO2 ? L’arbre va-t-il développer plus de branches pour supporter plus de feuilles ? Une augmentation de la masse foliaire se traduit-elle par des feuilles plus longues, plus larges ou plus nombreuses ? »

« Il reste quelques incertitudes quant au réalisme des modèles et aux données satellites sur les tropiques : ce sont des zones où les observations directes sont plus difficiles en raison des nombreux nuages et où la saturation en feuilles limite la précision des analyses, juge Frédéric Baret, directeur de recherches à l’Institut national de recherche agronomique (INRA), spécialisé en télédétection, qui n’a pas participé aux travaux. Reste qu’un verdissement global est bel et bien à l’œuvre. »

Une diminution au fil du temps

De là à conclure que les émissions de gaz à effet de serre sont positives pour la planète, et qu’elles ne doivent donc pas être limitées, il n’y a qu’un pas, que les climatosceptiques n’ont pas hésité à franchir. En réalité, les résultats de cette étude ne peuvent être généralisés sur le long terme. « L’effet positif de la fertilisation diminue au fil du temps en raison d’une saturation des plantes en CO2, prévient Nicolas Viovy. Ce phénomène est par ailleurs inefficace lorsque la concentration en CO2 est trop élevée. »

Surtout, ce verdissement ne signifie en aucun cas que les feuilles nouvelles pourront absorber les rejets excédentaires de gaz à effet de serre et donc éviter d’avoir à les réduire comme le prévoit l’accord sur le climat, signé par 174 pays à New York, le 22 avril. « Une augmentation de l’indice foliaire ne signifie pas nécessairement que le stockage du carbone atmosphérique est plus important, ajoute Philippe Ciais. Les feuilles, qui tombent chaque année dans la plupart des forêts, ne représentent que 10 % du stockage du carbone par les arbres. L’essentiel du CO2 est en réalité piégé par les bois, les racines et les sols. »

Les conséquences néfastes du changement climatique sont donc loin de pouvoir être compensées par ce seul effet positif. « La végétation permet d’absorber environ 25 % des émissions de CO2 anthropiques [36 milliards de tonnes en 2014], tandis que l’océan stocke la même quantité. Ce qui veut dire que l’autre moitié de nos émissions s’accumule dans le système climatique, calcule Nicolas Viovy. Or, ce phénomène de “puits de carbone” est déjà pris en compte dans les projections climatiques. Les hausses de la température mondiale que l’on prévoit (+ 3 ou + 4 °C d’ici à la fin du siècle) tiennent donc déjà compte de ce bonus que nous offrent la végétation et les océans. »

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