Ex-commercial devenu gourou des « cures de jeûne » : qui est Eric Gandon, mis en examen pour homicide ?

Le naturopathe Eric Gandon, le 25 mars 2017 (capture d’écran YouTube).

Le naturopathe Eric Gandon, le 25 mars 2017 (capture d’écran YouTube). CHAÎNE YOUTUBE JEÛNER POUR LA SANTÉ

Le naturopathe a été mis en examen après la mort d’une de ses adeptes lors d’un stage. « Spécialiste » des thérapies alternatives depuis les années 2010, il vante les mérites du jeûne pour guérir des maladies telles que le cancer.

Des stages de jeûnes facturés plusieurs centaines, voire milliers d’euros : voilà la solution que proposait Eric Gandon pour « guérir son cancer », « améliorer sa vue » ou traiter l’hypertension. Le naturopathe de 58 ans a été mis en examen jeudi 12 janvier après plusieurs décès survenus lors de ces « cures hydriques », a annoncé le parquet de Tours. Il a été écroué et encourt jusqu’à trois ans de prison.

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Eric Gandon est mis en cause pour homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui, abus de faiblesse et exercice illégal des professions de médecin et de pharmacien pour des faits survenus de juillet 2020 à janvier 2023. Une enquête avait été ouverte en 2021 après la mort d’une femme de 44 ans pendant un de ses stages organisé à Noyant-en-Touraine (Indre-et-Loire). Malgré le décès de sa stagiaire, Eric Gandon avait poursuivi les sessions en cours.

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72 000 abonnés sur sa chaîne YouTube

Le gourou a ses adeptes. Sa chaîne YouTube compte plus de 72 000 abonnés. Et sur son site, « Jeûner pour sa santé », il assure avoir accompagné « plus de 4 000 personnes au jeûne ». « Je n’ai pas toujours été naturopathe, mais j’ai toujours été passionné d’alimentation », explique Eric Gandon dans une vidéo publiée en mars 2017 dans laquelle il vante « les capacités du corps à s’auto-soigner grâce au jeûne et l’hygiène émotionnelle ».

Avant de se lancer dans la naturopathie, Eric Gandon avait pourtant un parcours plutôt classique. Sur son CV, disponible en ligne, on peut voir qu’après des études dans le Maine-et-Loire et l’Ile-de-France, il entame une carrière de commercial dans le marketing et dirige plusieurs chaînes de magasins en France, en Belgique et au Royaume-Uni.

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C’est en 2004 qu’il découvre les « méthodes alternatives » au contact d’une autre naturopathe, alors qu’il souffrait « d’allergies, de migraines, de mycoses au pied, de mauvaise haleine permanente et de problèmes de sommeil ». En 2010, il quitte ses fonctions de directeur général chez EuroFlorist pour se former et crée sa propre société de naturopathie, Eric Gandon SARL, s’entoure de « co-animateurs ponctuels » se revendiquant art-thérapeutes ou médiums, et commence à animer de nombreux stages, fondés sur le jeûne.

Une activité lucrative

Pour un accompagnement sur quatorze jours, il fallait compter 1 100 euros et pas moins de 2 800 euros pour une cure de quarante-deux jours, « hors hébergement ». Après des arrêtés pris par les préfectures d’Indre-et-Loire et de Vendée interdisant ces cures, le naturopathe avait poursuivi son activité via des vidéos en ligne et des formations à distance, pour la modique somme de 140 euros pour une consultation vidéo, et de 250 euros par semaine pour un suivi à distance.

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« Pour un changement profond et pour certaines maladies (bronchites chroniques, polyarthrites, cancers, maladies auto-immunes, arthrose, fibrome…), selon les réserves pondérales, la vitalité, ou l’ancienneté de la maladie, il peut être recommandé de réaliser des jeûnes thérapeutiques de longue durée », assure toujours son site Internet, sur lequel il est aussi possible d’acheter des protections anti-ondes (jusqu’à 100 euros), des livres, des poches de lavement ou des « cartes du bonheur ».

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La reconversion professionnelle d’Eric Gandon s’est avérée particulièrement lucrative. Sur l’année 2019, sa société a réalisé un chiffre d’affaires de près de 293 000 euros. Lors de son arrestation, l’Office central pour la Répression des Violences aux Personnes a saisi 32 000 euros au domicile du gourou.

Signalé par la Miviludes

Une information judiciaire a rapidement été ouverte à Tours après le décès d’une première patiente et a permis d’identifier quatre autres victimes, dont deux décédées depuis, a indiqué le parquet le 12 janvier dernier. Une plainte concerne un homme âgé d’une soixantaine d’années, mort le 18 juillet 2020, un mois après avoir participé à un stage organisé en Vendée alors qu’il souffrait d’un cancer en phase terminale. Une autre est liée au décès, le 15 mars 2022, d’une jeune femme ayant suivi des formations organisées par Eric Gandon l’année précédente alors qu’elle souffrait d’un cancer du foie et était en rupture de traitement, détaille le procureur. Deux autres plaintes émanent de participantes au stage organisé à l’été 2021.

Plusieurs participants ont raconté auprès de France Inter l’absence d’accompagnement médical et le manque de considération des encadrants pour les souffrances des participants lors de ces longues séances de jeûne. « Quand on ne venait pas parce qu’on n’était pas bien – la première semaine de jeûne est assez dure –, aucun des organisateurs ne prenait de nos nouvelles. On est vraiment livrés à nous-mêmes. Et quand on finit par venir de nouveau au point du matin et que l’on explique qu’on a été mal, qu’on cherche à comprendre, ils nous expliquent que c’est nous qui n’avons pas réussi à lâcher notre émotion, alors que c’était un mal-être physique », témoigne ainsi un homme ayant réalisé un stage de quatre semaines.

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Eric Gandon était mentionné dans le rapport d’activité 2021 de la Miviludes, publié en novembre 2022. « Eric Gandon assure que c’est le vaccin anti-Covid qu’aurait reçu la jeune femme qui est à l’origine de son décès », indique l’étude, en référence à une interview donnée par le naturopathe au quotidien « la Nouvelle République », réfutant tout lien avec la pratique du jeûne.

La Mission interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives sectaires alertait tout particulièrement sur les dangers du jeûne. « Des personnes vulnérables, parfois intolérantes aux effets secondaires de certains traitements ou souffrant de pathologies incurables, peuvent être tentées par ces jeûnes présentés comme “miraculeux” », soulignait-elle. Pour autant, un rapport de synthèse publié en 2014 par l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (Inserm) concluait qu’« aucune donnée clinique reposant sur des essais méthodologiques rigoureux ne peut étayer » les bénéfices supposés de cette pratique.

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